Nouveau western
La Trans America Trail, c’est un peu la route 66 des aventuriers. Du Tennessee à l’Oregon, cette plongée de 7 000 km dans l’Amérique profonde se double de la découverte de ces grands espaces qui alimentent encore et toujours la mythologie de la conquête de l’ouest. Marc-antoine l’a fait, en solo.
Après avoir récupéré ma moto à Atlanta, en Georgie, me voilà sur les routes américaines, à la fois tout excité et vaguement inquiet. Je dois trouver le point de départ du Trans America Trail, quelque part à plus de 600 km dans l’état voisin du Tennessee. Arrivé à Lynchburg, c’est d’abord une distillerie de whisky qui s’offre à moi. Pas n’importe laquelle, celle de Jack Daniel’s. J’y fais la rencontre inattendue du boss, un type sympa qui me propose une petite visite VIP de deux heures. Dommage qu’en anglais, je ne sois pas encore au niveau !
C’est dans cette même petite ville que je rejoins le Trans Am Trail. Le tracé débute plus à l’est, mais je ne manque qu’une soixantaine des 7 000 km que j’ai à parcourir pour rejoindre Port Orford, dans l’Oregon, sur la côte Pacifique. La piste du TAT, comme on dit ici, n’est pas très technique au début.
C’est une sorte d’autoroute non goudronnée. Mais elle peut rapidement devenir problématique à cause des traversées de gués profonds ou des pluies, surtout au printemps. Dès le deuxième jour, je n’y coupe pas et me vautre en traversant une rivière, la faute à la roche lisse recouverte d’algues qui tapissent le fond. Incapable de relever la moto, je dois décharger une partie des bagages pour enfin réussir à la tirer sur le rivage.
Facile mais piégeux
Le quatrième jour, je suis au cœur du Mississippi. En fin d’après- midi, je m’arrête sur le bord de la piste pour consulter mon GPS. Je recherche un camping pour la nuit. C’est à ce moment qu’un certain Norman vient vers moi pour voir s’il peut m’aider. Il m’a vu de sa propriété. Deux minutes plus tard, je suis son invité.
Lui et sa femme Kay mettront à ma disposition une dépendance de 90 m2. Norman est un retraité de l’armée américaine. Il me fait visiter son vaste domaine forestier, prépare un énorme barbecue et, en bon Américain qui se respecte, me propose de fabriquer des munitions. Le lendemain, nous ferons du tir sur cible avec sa collection d’armes, dont un fusil semi-automatique. C’est ça aussi, l’Amérique !
Je poursuis ma route vers l’Arkansas où je traverse une région touchée par des tornades. C’est impressionnant, tout est ravagé. Je ne serai moi-même pas épargné par quelques orages ultraviolents. Voilà peut-être la raison pour laquelle la partie nord de cet état n’est pas très touristique. Je resterai d’ailleurs plusieurs jours sans trouver un camping.
Plus tard, pendant ma traversée de l’Oklahoma, j’ai cette sensation dérangeante de traverser deux mondes bien distincts. Des petites villes misérables alternent avec des prairies où paissent des troupeaux de bovins sous l’œil de cowboys en 4×4 flambant neufs. Après l’Oklahoma, je fais un court passage sur les hauts plateaux (1 800 m) du Nouveau-Mexique. Sur ce relief montagneux, le TAT devient plus technique. Le segment du Colorado est magique, mais semé d’embûches. L’itinéraire emprunte des cols à plus de 3 500 m d’altitude dont certains sont en permanence sous la neige. Cela me vaudra une série de demi-tours et de contournements, parfois longs de 500 km !
La météo n’est pas clémente non plus avec moi au Colorado : orage de grêle d’une extrême violence, froid polaire et encore de la neige (parfois en quantité impressionnante pour un motard) !