La petite montagne bourguignonne
Ni vignes, ni grandes exploitations agricoles, mais de l’eau et de la forêt. Le Morvan a longtemps souffert de la comparaison face à ses lucratives voisines bourguignonnes. Mais pour nous, motards, la richesse de ce massif est justement sa tranquillité, garante de grands espaces de liberté.
Que l’on accède au Morvan par la Nièvre, la Saône-et-Loire, l’Yonne ou la Côte d’Or, on quitte toujours une région agricole peuplée pour s’engager dans un massif forestier aux rares habitations. Tel un îlot de verdure préservé, coupé du reste du monde.
On ne passe pas dans le Morvan, on y entre. Une frontière invisible sépare cette contrée singulière du reste de l’Hexagone. Comme si elle n’était pas liée à sa situation géographique, mais à sa géologie, son caractère, son histoire, ses mythes et ses mystères. Ainsi, selon la légende, les fées auraient construit une voie d’Autun à Lormes en une nuit. En alignant les pierres taillées qu’elles transportaient dans leurs tabliers. S’il existe des elfes, des gnomes ou des lutins, ils vivent dans les forêts épaisses, champignonneuses et moussues qui tapissent le Morvan. C’est sûr.
Mystérieux Sous-Bois
Pour s’en convaincre, il suffit de poser pied à terre dans la forêt de Saint-Prix. De couper le moteur, d’ôter son casque, de retenir son souffle et d’écouter ce silence qui n’en est jamais un. La vie bruisse, en sourdine, derrière les fougères couleur de feu qui nous réchauffent en cette fin d’automne ensoleillé. Le Père Noël, on veut bien le laisser aux Nordiques. Mais pour ce qui est des sapins, inutile de nous raconter des histoires. On les a vus, là, près du lac de Saint-Agnan, sur pied, étiquetés, tous alignés, des plus chétifs aux plus balaises. Et ce ne sont pas les remorques chargées de billes de bois qui sillonnent les routes et bouchent l’horizon qui vont nous contredire.
L’horizon, d’ailleurs, on ne le voit guère sur les routes qui tracent au cœur des sous-bois flamboyants. Sauf quand un relief ou un calvaire nous hisse suffisamment haut. Comme à Vézelay, à Château-Chinon ou au Mont Beuvray. On confirme : dans le panorama, les conifères sont rois. Ils poussent plus vite et avec plus de discipline que les nobles hêtres et chênes originels qu’ils remplacent un peu trop rapidement.
Si le traditionnel flottage, dit “à bûches perdues”, jusqu’à Paris a disparu, les voies navigables, les rivières (l’Armançon, l’Ouche, la Cure, le Cousin, l’Yonne…), les sources et les retenues d’eau sont toujours omniprésentes. Un mètre de précipitations en moyenne par an alimente ce réseau fluvial. Et les quatre “grands lacs” du Morvan : Chamboux, Chaumeçon, Crescent et Saint-Agnan. Alors mieux vaut choisir un créneau météo favorable pour visiter un massif qui ne sèche jamais. C’est géologique.
Déposé sur la roche imperméable qui compose le massif, un mélange de sédiments et de gravier granitique agit comme une éponge sous un macadam qui souffre tous les hivers. Et quand une vallée enveloppant un lac ou le lit d’une rivière vous propose un choix de routes en sous-bois. Il est essentiel d’emprunter l’itinéraire le plus ensoleillé, surtout le matin ! Car les traces d’humidité et les infiltrations moussues dans les courbes rapides ou serrées forment des pièges inhabituels, pas toujours évidents à négocier. Les plaques sombres réagissent sous les pneus comme de sournoises traces d’huile, il faut le savoir, alors prudence ! Que les panneaux “verglas fréquent” vous aident à ne jamais oublier ce trait de caractère revêche de la “Montagne noire”. Étymologie celtique du nom Morvan.
Eau fraîche à tous les étages
D’ailleurs, cette basse montagne semble se la jouer perso, comparée aux régions voisines. Toujours humide quand la sécheresse sévit tout autour. Tempérée quand la canicule décime nos anciens, couverte de neige quand il pleut alentour et de verglas quand il neige ailleurs ! Ce n’est pas par hasard si des parcours de ski de fond ont été tracés sur le massif du Haut-Folin. Et que l’une des hivernales moto les plus célèbres, par sa rigueur, a pour destination le lac des Settons, au cœur de cette destination qui agit comme un aimant à motards.
Si ces derniers ont changé avec les années, le Morvan reste fidèle à lui-même. Et toujours aussi attractif pour un large panel de voyageurs, des plus sportifs aux plus bohèmes. Un sentiment de liberté y prévaut : les habitants sont rares, les routes variées et les possibilités de haltes et de campement pourtant fréquentes. Chaque ville moyenne ou village d’importance abrite plusieurs options pour dormir et pour se restaurer, copieusement.