Essai Suzuki DR800 (1992)

Le monocylindre au superlatif


Suzuki marqua les esprits en commercialisant son nouveau trail DR750 en 1988. Il ne laissa personne indifférent avec son bec de canard et son moteur dont la carte de visite mentionnait qu’il était le plus gros monocylindre du monde… Présentation de la Suzuki DR800 (1992). 

 

Surenchère

 

Milieu des années 80. C’était une époque bénie pour la moto, notamment dans une catégorie en pleine expansion, les trails. Les constructeurs s’affrontaient avec des motos simples et polyvalentes, munies de monocylindres. Elles étaient capables d’emmener le motard là où bon lui semblait, avec des capacités certaines en tout-terrain. Elles évoquaient la liberté, l’évasion et puisaient leurs sources dans les machines du Paris-Dakar, une épreuve mythique qui faisait rêver dans les foyers chaque début d’année. Suzuki opta pour la surenchère monocylindrique en proposant une moto d’une cylindrée de 727 cm³ avec un diamètre de 105 mm pour l’unique piston. Le constructeur d’Hamamatsu ne s’arrêta pas en si bon chemin en augmentant rapidement la cylindrée pour atteindre 779 cm³ !

 

Le choix du monocylindre

 

La marque avait décidé de suivre sa propre voie en ne faisant pas le choix du bicylindre, contrairement à certains de ses concurrents. Peut-être que des considérations purement économiques avaient dicté ce choix. Suzuki a souvent vendu des motos « simples », faisant fi des solutions techniques élaborées. La maison mère a, semble-t-il, régulièrement limité les investissements dans la branche moto avec au final des machines que l’on peut qualifier d’intelligentes. Sans fioritures, mais bien construites, avec un prix d’achat raisonnable. Mais je n’irai pas jusqu’à qualifier la marque de « Dacia de la moto »

 

suzuki DR800
La DR 800 possède les aptitudes pour s’aventurer dans les chemins, mais elle ne peut faire oublier son
poids sur les terrains difficiles. Une DR 650 y sera plus adaptée.

 

Premiers pas du bec de canard

 

Outre son moteur hors normes, la Suzuki DR800 se fit remarquer par son bec de canard devenu depuis le signe distinctif de la majorité des trails. Par respect pour cette fugitive marque française, je passerai sous silence l’anecdotique MF 650 TC dont un prototype à l’esthétique surprenante (pour rester poli…) avait adopté un tel appendice en 1982. Revenons donc à la Suzuki. Son énorme réservoir de 29 litres finissait de donner à cette moto une stature imposante. Elle s’inspirait du modèle de course préparé pour le Paris-Dakar 1988 avec au guidon Gaston Rahier, triple champion du monde de motocross et double vainqueur de l’épreuve africaine, avec notamment un refroidissement air/huile spécifique à la marque. Le monocylindre développait une puissance respectable de 54 chevaux (à comparer, par exemple aux 55 chevaux de la Transalp 600, à moteur bicylindre).

 

Evolution

 

La Suzuki DR800 séduisit les motards sensibles au caractère de cet imposant monocylindre. Elle évolua en 1991 avec l’abandon de son pot d’échappement peu esthétique pour une double sortie s’intégrant bien mieux à la ligne générale, le remplacement des deux réservoirs (très vulnérables) par un modèle d’une seule pièce en acier de moindre capacité (24 litres), une fourche plus imposante (43 mm) et un disque de frein avant de 300 mm. La finition générale, le point faible de cette moto, progressa aussi à cette occasion.

 

Disparition

 

La Suzuki DR800 disparut du catalogue de la marque en 1998. Le monocylindre n’avait plus les faveurs des motards et la course à la cylindrée et à la puissance était bien entamée chez les constructeurs.
Le modèle à l’essai dans ces pages appartient à Jérôme, un motard toulousain qui l’utilise au quotidien pour se rendre au travail et effectuer des balades dans la région. C’est un modèle de 1992 qui a juste eu droit à une peinture du cadre et du réservoir et une intervention sur les pointeaux des carbus.
Elle est haute, cette Suzuki DR800, avec sa selle juchée à 890 mm du sol, mais son étroitesse et l’affaissement des suspensions sous le poids du pilote permettent de ne pas se sentir en équilibre avec une partie des pieds touchant le sol. Le tableau de bord renvoie des années en arrière avec un sobre compteur flanqué d’un compte-tours. Mais a-t-on vraiment besoin de plus pour rouler à moto ?

 

Bien rempli et poli

 

Au démarrage, on le sent vivre sous le réservoir, cet imposant monocylindre. Pourtant, les premiers tours de roues révèlent un moteur plutôt bien élevé qui prend ses tours sans gratifier le pilote de gros coups de piston. Bien secondé par une boîte de vitesses précise, il permet une prise en main immédiate. Seuls les trop bas régimes sont exclus, avec un minimum de 2 500 tr/mn sur les rapports inférieurs et 3000 tr/mn en 5e pour éviter les à-coups préjudiciables à la longévité de la mécanique. Presque déçu au départ par un manque de caractère, j’apprécie vite la bonne volonté du monocylindre qui tracte très bien avec une linéarité et une allonge surprenantes pour un moteur ayant une telle cylindrée unitaire.

Il possède une belle rondeur et monte allègrement à l’assaut de la deuxième partie du compte-tours. Les vibrations sont présentes mais elles ne sont pas gênantes. La selle se montre accueillante, la position de conduite naturelle, les jambes bien protégées par le large réservoir de 24 litres. Je m’imagine très bien enquiller les kilomètres à son guidon même si le pare-brise mériterait une hauteur légèrement supérieure pour une meilleure protection au vent.

 

 

Un châssis rigoureux

 

Malgré des pneus un peu fatigués, la rigueur du châssis saute aux yeux avec notamment un train avant rivé au sol très sécurisant. Cette DR800 montre des prédispositions certaines pour un usage routier d’autant que les suspensions sont de qualité avec un amortissement efficace. En définitive, elle est le pendant monocylindrique de la Honda Transalp 600 que je connais bien.
Quant au freinage, son efficacité moyenne permet de mesurer les progrès réalisés dans ce domaine durant ces trente dernières années. Pour résumer, le frein avant a un mordant très relatif, d’autant que la plongée de la fourche est importante. Et la faiblesse de son homologue à l’arrière n’améliore guère la situation. Les freins de la moto essayée étaient pourtant en excellent état. Grâce à une mamie en Renault Clio qui aurait bien voulu inclure une rubrique crash test dans cet essai, j’ai eu « la chance » d’éprouver le freinage d’urgence. Résultat plus que mitigé : seul un sens certain de l’anticipation m’a permis d’éviter un contrôle de la résistance au choc du train avant de la moto (et également de celle du cœur du propriétaire témoin de la scène dans la voiture suiveuse) !

 

Apte au TT

 

Une courte incursion en tout-terrain a montré des aptitudes pour cet exercice avec des suspensions à grands débattements effaçant les inégalités et une position debout naturelle mais le poids de l’ensemble reste sensible dans les évolutions à basse vitesse. En effet, la Suzuki DR800 accuse 210 kilos vérifiés avec le plein (à comparer aux 174 kg d’une Suzuki DR 650 Djebel ou aux 199 kg de la Transalp 600). Il faudra donc éviter de s’aventurer sur des terrains trop techniques.
Au final, cette Suzuki DR800 complétait habilement la gamme des trails de la marque en rajoutant à la 650 Djebel et à la DR650 RS un modèle plus routier destiné aux motards désireux de prendre la route dans un certain confort. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque où ces motos étaient souvent utilisées en duo. Le confort et les qualités routières de ce modèle ont pu séduire les adeptes du monocylindre qui n’hésitaient pas alors à se lancer sur des longues distances à son guidon.

C’était une époque où un trail avec un monocylindre
de 54 chevaux permettait de prendre la route avec armes et bagages. Autres temps, autres mœurs !

 

 

En occasion, que vérifier ?

La marque ne se distinguait pas à l’époque par la finition de ses motos. Les peintures étaient de mauvaise qualité, les plastiques également, même si on note une amélioration sensible  à partir du millésime 1991. Quant aux roulements, peu étanches, ils pouvaient se gripper facilement. Heureusement, Suzuki n’avait pas fait d’économies sur la partie mécanique et ce gros monocylindre se révéla robuste. Si vous envisagez un achat, c’est du côté de la distribution qu’il faudra se renseigner. Fréquence du contrôle de tension de la chaîne, changement éventuel avec le patin, vérification de l’état des portées de culbuteurs. Sur un moteur avec un fort kilométrage (à partir de 50 000 km), un réalésage peut s’avérer nécessaire. Il ne faut pas oublier qu’un monocylindre s’use plus vite qu’un bicylindre. Toutefois, certains propriétaires ont pu atteindre des kilométrages conséquents avec simplement un entretien régulier. N’hésitez d’ailleurs pas à aller sur le site de deux motards (https://frenchiesonwheels.com/) qui ont effectué un tour du monde de 90 000 km achevé en avril 2019 avec deux DR 800 achetées 1000 euros sur LeBonCoin.
D’occasion, une DR 800 en bon état se négocie aux alentours de 2500 euros. On peut en trouver à des prix inférieurs mais ce sera pour un modèle «dans son jus» qui nécessitera quelques compétences mécaniques pour une remise en état. A noter que l’on peut trouver aisément de la pièce sur le site www.pieces-suz.com/suzuki-moto/800-MOTO/DR
Enfin, pour les passionnés de la DR, il existe un forum incontournable dans lequel vous pourrez trouver énormément d’informations sur ce modèle. http://drmania.free.fr/phpbb3/index.php

 

Retrouvez l’article complet sur la Suzuki DR800 dans Trail Adventure n°27

 

 

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES SUZUKI DR800

Moteur
Type    monocylindre 4 temps avec 2 balanciers d’équilibrage entraînés par chaîne, refroidissement mixte air/huile.
Distribution     1 ACT, 4 soupapes
Cylindrée        779 cm3
Alésage x course        105 x 90 mm
Rapport volumétrique 9,5 à 1
Puissance maxi           54 ch à 6 600 tr/mn
Régime maxi  7 500 tr/mn
Couple maxi   6,32 mkg à 5400 tours/mn
Alimentation   2 carburateurs Mikuni ø 33 mm
Lubrification   par carter sec avec radiateur d’huile
Embrayage      multidisque en bain d’huile, commande par câble
Boîte de vitesses         5 rapports
Transmission secondaire        par chaîne

Partie-cycle
Cadre  simple berceau tubulaire dédoublé
Suspension avant        fourche à axe déporté ø 43 mm, débat. 240 mm
Suspension arrière      amortisseur réglable en précontrainte, débat. 220 mm
Frein avant      1 disque ø 300 mm, étrier 2 pistons
Frein arrière    1 disque ø 250 mm, étrier 2 pistons
Roues  jantes rayonnées en alliage
Pneus 90/90 x 21 – 130/80 x 17

Dimensions et poids
Empattement   1 520 mm
Angle de colonne        28°20′
Chasse            136 mm
Hauteur de selle          870 mm
Garde au sol    230 mm
Réservoir        24 litres
Poids à sec      185 kg

 

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