Arrivé tardivement sur le marché des gros trails 600 cm³, Suzuki se démarqua des concurrents japonais en présentant une moto à la simplicité affirmée et en misant sur un prix très compétitif. Formule gagnante puisque cette DR 600 rencontra immédiatement un grand succès qui se poursuivra jusqu’en 1990.
Texte et photos Christian Doussaud
La fin des années 70 marqua un virage important dans la catégorie des trails : l’abandon du moteur 2-temps jusque là plébiscité pour sa simplicité et sa légèreté chez les constructeurs japonais, à l’exclusion de Honda. Suzuki s’y essaya en présentant la SP 370 en 1978 mais ce modèle ne rencontra pas un grand succès avec son moteur super carré qui privilégiait les montées en régime au détriment du caractère que l’on pouvait attendre d’un gros monocylindre. Difficile dans ces conditions de faire concurrence à la référence du moment, la Yamaha XT 500. La Suzuki sera suivie de la DR 400 et, en 1982, de la DR 500 qui préfigurait la 600 avec un moteur de nouvelle génération plus moderne à 4 soupapes. Mais cette moto faisait pâle figure comparée à la concurrence qui proposait des motos de 600 cm3 très séduisantes à l’image des Honda XLR, Yamaha XT et Kawasaki KLR.
Eloge de la simplicité
C’est donc tardivement que la Suzuki DR 600 arriva sur le marché, en 1985. Sa carte maîtresse fut son prix (jusqu’à 15 % de moins que la concurrence japonaise). Suzuki avait décidé de jouer la simplicité et la moto, bien que moderne, avait évité toute surenchère technologique afin de maintenir les coûts de fabrication. Ainsi, le mono-amortisseur possédait des biellettes en tôle emboutie moins nobles que celles en fonderie d’aluminium des concurrentes. De même, le tableau de bord était simplifié puisqu’il était privé du compte-tours habituel. Quant au moteur, il évitait lui aussi une trop grande sophistication : un seul arbre à cames en tête, pas de double carburateur ou de refroidissement liquide comme sur les motos des autres constructeurs japonais. Suzuki avait choisi de privilégier la fiabilité, comme le montrait le radiateur d’huile destiné à contenir les températures du monocylindre.
La DR 600 rencontra un succès immédiat d’autant qu’elle se révéla robuste avec, notamment, une motorisation sans souci, même si sa finition moyenne nécessitait une attention soutenue de la part de son propriétaire pour ne pas voir la moto vieillir prématurément. Les peintures et les soudures n’étaient effectivement pas d’une qualité optimale.
Une version Djebel vint seconder la DR 600 en 1986 avec un équipement à la hausse, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter la capacité du réservoir d’origine largement suffisante (21 litres). Ce fut aussi l’occasion d’améliorer le démarrage du moteur – très problématique sur le modèle 1985 ! – en modifiant le système antiretour de piston au démarrage au kick (coupure d’allumage en cas de retour en arrière du piston) et d’équiper la moto d’un embrayage renforcé.
Le modèle poursuivit sa belle carrière jusqu’en 1990 avec très peu de modifications, la Djebel se dotant juste d’un compte-tours en 1987. Elle laissera alors sa place à la DR 650 mais ceci est une autre histoire…
Les joies du kick !
La Suzuki essayée dans cet article date de 1986. Quasiment d’origine si ce n’est le pot d’échappement car, comme sur beaucoup de DR 600, cet équipement finissait immanquablement par se désagréger sous le poids des années. Comme indiqué un peu plus haut, la haute qualité n’était pas une priorité lors de la conception de la machine.
Je note la présence d’un levier sur la partie gauche du guidon, appelé lève-soupapes et destiné à faciliter le démarrage du moteur. François, le propriétaire actuel, possède d’ailleurs un petit livret qui était livré avec la moto et dans lequel le processus de démarrage est minutieusement expliqué. Précaution utile quand on connaît les caprices des gros monocylindres de l’époque avant de daigner se réveiller parfois… Si l’on suit les instructions, le moteur s’ébroue sans problème sous l’impulsion, volontaire, du kick ; les modifications apportées par Suzuki sur le modèle 1986 ont porté leurs fruits. A froid, il faut d’abord aller chercher la commande du starter sur le carburateur.
Par ailleurs, la hauteur de selle de 885 mm ne se révèle pas handicapante avec une moto fine et légère. Au relâcher d’embrayage, on sent vivre les 44 chevaux annoncés sur la fiche technique mais le moteur révèle une belle souplesse même si l’absence de compte-tours ne permet pas de vérifier le régime. Cette faculté à reprendre très bas dans les tours devait se révéler très agréable au quotidien. Sur cette DR 600, le moteur accepte de musarder à 55 km/h sur le cinquième et dernier rapport sans manifester le moindre mécontentement. On est loin de la réputation de ces gros monocylindres avec leur propension à délivrer force cognements à bas régime. Je ne dirai pas la même chose de la Honda XLM 600 essayée précédemment et qui s’était avérée beaucoup plus rétive dans ce domaine…
La boîte de vitesses précise de la Suzuki participe au plaisir immédiatement ressenti. Ce monocylindre est vraiment très plaisant dans son comportement en alliant une belle présence aussi bien acoustique que dans son comportement volontaire. Il répond en effet présent à la moindre sollicitation de la poignée de gaz et l’aiguille du compteur s’élève rapidement.
Coté partie-cycle, rien à redire. La moto s’avère maniable et le train avant inspire confiance quand la vitesse augmente. Un excellent compromis pour affronter sereinement toutes les catégories de virages, de la grande courbe à l’épingle la plus serrée.
Bien sûr, comme souvent avec ces motos anciennes, il convient de garder en mémoire les performances limitées du freinage et une certaine anticipation est nécessaire pour éviter quelques frayeurs au moment d’actionner le levier. C’est progressif, certes, mais la puissance n’est pas au rendez-vous. Pour tout dire, en repartant avec ma CB 500 X moderne, le freinage de cette dernière m’a soudainement semblé surpuissant !
A l’aise en tout-terrain
Le confort est d’un bon niveau avec une position de conduite naturelle et une selle bien rembourrée. Toutefois, au fur et à mesure que la vitesse augmente, haut perché et les bras écartés avec le large guidon, le conducteur sent nettement la pression du vent et les longues étapes routières doivent générer une certaine fatigue. Dommage, car le généreux réservoir de 21 litres offre une autonomie très confortable. Quant au passager, il vaut mieux le choisir de taille raisonnable compte tenu d’un espace disponible limité. La selle aurait mérité quelques centimètres supplémentaires…
En tout-terrain, le poids réduit (160 kilos tous pleins faits) est le bienvenu d’autant que la selle qui mord largement sur le court réservoir bombé permet une position de conduite avancée propice à une bonne maîtrise de la moto. A son guidon, on ne peut que louer ces trails de l’ancienne génération qui avaient de réelles capacités sur les pistes et chemins, légers et peu vulnérables en cas de chute. En outre, sur cette Suzuki, le moteur fait preuve d’une grande docilité à bas régime et il facilite le travail du pilote avec une progressivité bienvenue. Enfin, le freinage qui, on l’a vu, manque de mordant sur la route se révèle rassurant en tout-terrain en étant facilement dosable.
Avec cette attachante DR 600, Suzuki avait réuni tous les ingrédients pour parvenir à une moto très homogène. En rajoutant l’atout prix, le constructeur japonais a séduit de nombreux motards qui ont pu ainsi découvrir le monde du trail. Un succès amplement mérité !
Fiche technique Suzuki DR 600 Prix : 21 580 francs soit 3 290 euros (prix neuf en 1986) Moteur Monocylindre 4 temps refroidi par air, ACT entraîné par chaîne avec tendeur automatique, 4 soupapes 589 cm³ Puissance 44 ch à 6 800 tr/mn Couple 5,04 mkg à 5 000 tr/mn Alimentation 1 carburateur à boisseau plat ø 38 mm Lubrification sous pression, carters humides avec radiateur d’huile Démarrage au kick avec lève soupapes au guidon Allumage électronique intégral Alternateur 195 watts Partie-cycle Cadre simple berceau tubulaire dédoublé sous le moteur Fourche ø 39 mm avec assistance pneumatique, débat. 240 mm Suspension arrière mono-amortisseur Full-Floater à progressivité variable, débat. 222 mm Frein AV simple disque ø 240 mm Frein AR tambour simple came ø 130 mm Pneu AV 100/80 x 21 Pneu AR 130/80 x 17 Dimensions et poids Empattement 1 455 mm< Hauteur de selle 885 mm Réservoir 21 litres Poids (vérifié) 160 kg tous pleins faits